Barack Obama en Afrique – 2ème partie : du long et difficile chemin vers un nouveau paradigme économique

le président Obama et son épouse embarquant à bord de l'avion présidentiel  Air Force One, à l'aéroport Julius Nyerere à Dar es-Salaam, en Tanzanie, à la fin de la dernière étape de leur visite d'une semaine en Afrique. (AP Photo / Ben Curtis).

Le président Obama et son épouse embarquant à bord de l’avion présidentiel Air Force One à l’aéroport Julius Nyerere de Dar es-Salaam, en Tanzanie, à la fin de la dernière étape de leur visite d’une semaine en Afrique. (Photo : AP/ Ben Curtis)

Nouvelle humeur et nouveaux horizons

À en croire les réactions mitigées de la presse qui l’ont suivi, le passage du président Barack Obama en Afrique subsaharienne, du 26 juin au 3 juillet 2013, a été un demi-succès. Il faudrait assurément plus qu’une opération de séduction savamment orchestrée pour donner un nouveau souffle à un partenariat moribond. Ce périple a fait davantage parler de lui pour sa valeur symbolique [aspect sur lequel la précédente partie de cette analyse mettait l’accent] que pour les solutions novatrices qui en sont ressorties. Certes, B. Obama n’est pas venu les mains vides, mais ses propositions et projets peu consistants n’ont pas encore de quoi pousser ses hôtes à s’exclamer « America is back in Africa !« . Son discours sur la démocratie et le développement, quoique convenu, aurait sans doute porté davantage sans les nombreuses contradictions et duplicités dont est émaillée la politique africaine de Washington. De surcroît, B. Obama est arrivé avec quatre ans de retard. Une éternité en politique. L’humeur des Africains a changé. Les opinions publiques de ce continent ont un regard plus lucide et avisé qu’autrefois sur les enjeux qui touchent leurs territoires et sociétés. Durant ces quatre années, l’Afrique a élargi ses horizons et a vu la Chine et l’Inde devenir respectivement ses premier et troisième partenaires commerciaux tandis que l’Europe et les États-Unis tentaient de se dépêtrer de la crise. À défaut d’avoir marqué les cœurs et les esprits, ces retrouvailles préfigurent-elles un tournant dans les relations entre l’Amérique et l’Afrique? Le changement de paradigme économique que B. Obama prétend vouloir opérer est-il en marche ? La percée des « Brics » menace-t-elle ses intérêts ?

Les préalables à la transformation de la relation d’aide à l’Afrique

Le président Barack Obama saluant des tanzaniens lors de la cérémonie officielle de bienvenue en son honneur, à Dar es-Salam, le 1 juillet 2013. Photo : Reuters/ Gary Cameron.

Le président Barack Obama saluant des Tanzaniens lors de la cérémonie officielle de bienvenue en son honneur, à Dar es-Salaam, le 1 juillet 2013. (Photo : Reuters/ Gary Cameron).

La foi répétée de B. Obama en l’avenir d’un continent abritant les six économies dont la croissance est, selon ses termes, « la plus spectaculaire du monde » et ouvre de « sensationnelles » perspectives, a beau sonner vrai, les Africains ne semblent plus s’en suffire. Ces derniers n’ont pas l’assurance que les bons indicateurs et les belles paroles feront du jour au lendemain du développement de leur continent une priorité stratégique pour l’Amérique. Quand bien même la totalité des critères démocratiques et de gouvernance économique fixés par Washington seraient un jour remplis par l’ensemble des États subsahariens, aucun indice ne laisse préjuger du poids de ces efforts vertueux face à la prévalence des logiques de puissance et d’influence, du capital et de la géopolitique des ressources ainsi que du besoin de sécurité qui les sous-tend dans la politique étrangère américaine. Des constats étayés dans les paragraphes suivants semblent indiquer que l’Amérique, même sous la présidence de B. Obama, peine encore à se défaire d’une conception des relations économiques qui reste, sur le fond comme sur la forme, basée sur un rapport asymétrique d’autorité que les populations du Sud décrivent volontiers comme hautain et infantilisant. B. Obama clame sa volonté d’accompagner l’Afrique vers une croissance axée sur le commerce et l’investissement, s’appuyant sur les opportunités offertes par le secteur privé. Il s’agit là de l’épine dorsale d’une nouvelle relation de partenariat voulue sincère, intelligente, persuasive et constructive avec l’Afrique, censée se substituer à terme aux schémas classiques de l’aide publique au développement (APD) qui n’ont pas porté leurs fruits. Une attitude d’esprit de bon augure, excepté que B. Obama ne propose pas encore de mesures structurantes capables de transformer l’Afrique en profondeur et de lui permettre de s’affranchir de l’aide étrangère. La fin de l’aide est une antienne à laquelle sont désormais habitués les Africains de la part de Washington et des ex-puissances coloniales du continent, mais qui n’a pas encore dépassé le stade du vœu pieux, même si l’Amérique poursuit ses réflexions sur de possibles alternatives et a lancé depuis 2004 des initiatives destinées à faire évoluer l’aide au développement. Les mécanismes sont d’ores et déjà à l’œuvre, mais les résultats obtenus n’emportent pas les suffrages. En effet, avant d’espérer que la page de l’assistanat soit un jour définitivement tournée, un premier pas de l’Amérique s’impose, consistant à mieux prendre en compte les intérêts pluriformes du continent noir, à mettre fin à l’asymétrie des échanges et à favoriser les facteurs d’un développement endogène, comme semblent commencer à le faire, bien que timidement, les pays émergents ou émergés qui ont investi l’Afrique au début des années 2000.

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p align= »left »>L’Amérique jugée par les Africains : entre reproches justifiés et représentations figées

Barack Obama au parlement ghanéen à Accra, le 11 juillet 2009, où il prononça son fameux discours fondateur de sa politique africaine. Source: Chuck Kennedy/White House

Barack Obama au parlement ghanéen, à Accra, le 11 juillet 2009. Première et unique visite en Afrique au cours de son premier mandat où il prononça le fameux discours fondateur de sa politique africaine.
Source: Chuck Kennedy/White House

Les doléances et les critiques adressées à l’Amérique au cours de la visite de B. Obama ne datent pas d’hier. Certaines sont pertinentes et plus ou moins méritées, d’autres apparaissent excessives ou spécieuses, et pour cause, le rôle américain en Afrique n’est encore que trop envisagé à travers des schémas et concepts historiques et idéologiques manichéens et figés : « néo-colonialisme », « néolibéralisme sauvage », « domination du capital transnational », « prédation des pays pauvres et endettés du Sud par le Nord » etc. Autant d’axiomes qui enferment une partie de l’humanité dans un rôle machiavélique et haïssable, avec l’Amérique en redoutable cerbère du système qu’elle a mis en place, tout en évacuant la mauvaise conscience et la part de responsabilité des gouvernements des pays les plus pauvres dans la détérioration de leur climat macro et micro-economique, la persistance de blocages institutionnels favorisant la corruption, le népotisme et la concussion. De surcroît, ces représentations tiennent peu compte des nombreuses mutations survenues dans les relations internationales inhérentes à ce que d’aucuns perçoivent comme l’amorce de la « post-mondialisation ». Il est, certes, difficilement niable que l’exploitation du Sud perdure, que la mondialisation continue de créer et de creuser des inégalités, mais ces tendances ne sont pas exclusivement imputables aux manœuvres « fourbes et cyniques » des puissances occidentales et de leurs institutions financières mais s’observent aussi, de plus en plus, à l’intérieur d’une sphère politico-économique composée par les PED et les émergents. Celles-ci sont le fait d’acteurs emportés par leur croissance folle, se laissant aller à des comportements prédateurs qui n’épargnent ni le bien-être et la santé de leurs peuples ni la qualité et la sécurité de leur environnement. Il paraît intellectuellement peu rigoureux et honnête de ne reprocher qu’aux Américains de ne pas suffisamment agréger ces nouvelles données à leur doctrine géopolitique, sans en faire grief dans une égale mesure à certains de leurs contempteurs qui conservent une doxa anti-américaine et anti-mondialiste parfois surannée. L’autre prisme grossissant est celui d’une rivalité croissante, voulue presque ‘féroce », entre l’Amérique et la Chine, faisant de l’ Afrique l’une des futures grandes arènes de leur face-à-face global, comme elle le fut à l’époque de la guerre froide entre l’Union soviétique et Washington. Bien que ne conduisant pas systématiquement à des conclusions tout à fait déconnectées de la réalité, ces deux prismes de lecture réduisent ou occultent des nuances importantes qui autoriseraient une mise en perspective plus large et raisonnée de l’engagement américain en Afrique et de la manière dont Washington veut se positionner intelligemment par rapport à la concurrence chinoise, entre autres. Il aura fallu du temps pour que l’Afrique ne soit plus seulement perçue par les Occidentaux comme un simple théâtre d’affrontement bipolaire. Mais va-t-elle réussir pour autant à se faire pleinement respecter comme un acteur et partenaire responsable, qui sait ce qu’il veut et sait se donner les moyens de faire jeu égal en matière de coopération et de commerce ?

Sélectivité persistante et réciprocité perfectible des échanges

Carte de l'Afrique représentant en nuances de gris les 48 pays subsahariens auxquels la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique/African Growth and Opportunity Act (Agoa) est destinée. Les pays éligibles à l'Agoa sont représentés en gris clair, et les pays non-éligibles en gris foncé. Source : www.agoa.info

Carte de l’Afrique représentant en nuances de gris les 49 pays subsahariens auxquels la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique/African Growth and Opportunity Act (Agoa) est destinée. Les pays éligibles à l’Agoa sont représentés en gris clair, et les pays non-éligibles en gris foncé. (Source : http://www.agoa.info)

Signe de la diversification des partenariats africains, l’Amérique n’est, depuis 2011, plus « que » le second plus grand partenaire commercial de l’Afrique, supplantée par la Chine, forte d’un volume de 166,3 milliards de dollars d’échanges commerciaux (soit 16 fois plus que le volume de l’an 2000, avec un excédent de 20,1 milliards de dollars en faveur de l’Afrique)[1]. Cela étant, l’Amérique n’a pas à rougir de ses résultats et peut même se réjouir de l’augmentation globale du niveau des échanges avec l’Afrique subsaharienne durant la même décennie, passant de 27 à 95 milliards de dollars. Les États-Unis devancent ainsi l’Inde (63 milliards de $ en 2013 [soit 1 point de plus qu’en 2011] et les prévisions annoncent 90 milliards de dollars pour 2015). L’Inde est talonnée par la France qui représente 47 milliards de dollars. Entre 2010 et 2011, les exportations américaines vers 49 pays africains ont atteint 21,1 milliards de dollars, soit une augmentation de 23%. Durant la même période, les importations américaines en provenance d’Afrique subsaharienne (principalement du Nigeria, de l’Angola, de l’Afrique du Sud, du Congo, du Gabon, du Tchad et du Kenya) ont connu un bond de 14 %, pour un total de 74,2 milliards de dollars, dont 59,8 milliards générés par le pétrole brut[2]. À l’instar de l’Europe, les États-Unis absorbent environ 26% des importations africaines. À titre de comparaison, la part des importations africaines en Chine est de 5% à l’heure actuelle malgré une exonération de 90% sur les taxes douanières instaurée par le gouvernement chinois. Les États-Unis exportent principalement des produits pétroliers raffinés, des machines industrielles, des véhicules et pièces détachées, de l’acier, de la volaille et des céréales vers l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Angola, le Ghana, le Togo et l’Éthiopie. Ces données révèlent que les échanges commerciaux restent concentrés sur une catégorie de marchés et de secteurs qui sont les plus rentables pour les Américains, lésant ainsi de nombreux pays possédant peu de richesses naturelles et/ou ne pouvant se prévaloir d’une agriculture commerciale diversifiée et performante. En valeur absolue, le niveau des exportations de l’Afrique vers les États-Unis est donc en augmentation constante, mais se caractérise par une concentration sur les produits hydrocarbures, minerais, textiles et vêtements qui laisse sur la touche de nombreux pays non détenteurs de ces matières premières.

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p class= »size-medium wp-image-2632  » align= »left »>Faire du neuf avec du vieux

Infographie des principaux partenaires commerciaux de l'Amérique. Le Nigéria, 1er partenaire africain de l'Amérique n'est classé le 31ème mondial. (source : David Yanofsky, Quartz/qz.com, sur des données du US Census Bureau).

Infographie des principaux partenaires commerciaux de l’Amérique. Le Nigeria, 1er partenaire africain de l’Amérique n’est classé le 31ème mondial. (source : David Yanofsky, Quartz/qz.com, sur des données du US Census Bureau).

Considérant sans doute qu’il n’y a pas de raison de changer une politique économique qui donne des résultats, le président Obama a repris à son compte l’essentiel des programmes et initiatives déjà en cours. Il s’est essentiellement contenté de repasser les plats déjà servis par ses prédécesseurs Bill Clinton et George W. Bush. Ce dernier a promis entre autres la reconduction de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa)[3] ou « loi sur le développement et l’opportunité en Afrique » votée en mai 2000. Ce programme bi-régional, renouvelé tous les cinq ans et s’achevant en 2015, établit des préférences commerciales en accordant une exemption de taxes à plus de 6400 de produits exportés vers les USA en provenance des pays éligibles. Il aurait permis de créer 43 millions d’emplois dans la quarantaine de pays concernés par l’Agoa selon le gouvernement américain. Son objectif est de faciliter l’accès au marché américain à ces produits sous certaines conditions. Dans le cadre de L’Agoa (qui représente 91 milliards de dollars d’échanges sur les 95 milliards annuels), le pétrole et le gaz occupent 92% des exportations et 80 % si l’on élargit la base aux pays non-Agoa [ces données rejoignent l’observation du paragraphe précédent sur le déséquilibre]. À titre de comparaison, la part des hydrocarbures dans les importations chinoises en provenance d’Afrique est d’environ 79%. Les profils d’échanges des deux pays sont donc proches. De surcroît, hors du commerce énergétique, l’Agoa bénéficie surtout aux pays capables de fabriquer eux-mêmes et en grande quantité des produits manufacturés pour l’exportation mais qui ne constituent pas encore la majorité des États subsahariens. S’agissant des produits manufacturés, à l’exclusion des produits textiles et vêtements (auxquels la loi Agoa III promulguée par G.W Bush accorde de nouvelles facilités d’entrée, en plus de prolonger l’échéance du programme de 2008 à 2015), le seuil minimal d’utilisation de matières premières d’origine locale (plus la valeur des matériaux et les coûts de fabrication) ne doit pas être inférieur à 35% dans le produit fini selon les règles d’origine en vertu du régime de l’Agoa. Outre l’exigence de l’importation directe du produit fini à partir du pays d’origine bénéficiaire, ces règles ont pour objectif d’empêcher le phénomène de transbordement illégal par des sociétés étrangères, principalement chinoises, établies en Afrique subsaharienne. Mais le seuil de 35% imposé est jugé encore trop élevé pour les pays les moins avancés (PMA) donc faiblement industrialisés. Le Sénégal, premier des trois pays visités par B. Obama, fait partie des acteurs qui ont toutes les raisons d’accueillir tièdement l’annonce de la prolongation de l’Agoa même si les subsahariens dans l’ensemble ne peuvent se permettre de faire la fine bouche et s’expriment donc naturellement en sa faveur. Le volume d’exportations du Sénégal reste très faible, ce pays étant surtout spécialisé dans le poisson et n’entretenant pas vraiment de relations commerciales avec l’Amérique. Son produit agricole phare, l’arachide, fait partie des produits sur lesquels les pays africains sont compétitifs, comme la canne à sucre, le tabac et le coton, mais qui ne bénéficient pas d’un traitement préférentiel dans le cadre de l’Agoa.

Diagramme circulaire représentant la part des exportations des pays africains vers la Chine. Source : International trade Centre/Standard Bank Group

Diagramme circulaire représentant la part des exportations des pays africains vers la Chine. Source : International Trade Centre/Standard Bank Group

L’éligibilité à l’Agoa, basée sur le mérite et la compétitivité, est analogue, dans son principe, au Millenium Challenge Account (MCA), un fonds bilatéral d’aide au développement accordé par l’agence MCC (Millenium Challenge Corporation) [4]. Celle-ci est dotée d’un budget d’un milliard de dollars accordé par l’État fédéral américain mais reste indépendante dans ses choix d’affectation de l’aide financière. Les pays bénéficiaires sont retenus sur la base de dix-sept indicateurs. La MCC promeut des valeurs et principes similaires à ceux de l’Agoa, à savoir la bonne gouvernance, les droits politiques et l’économie libérale. Malgré les efforts consentis par les pays africains membres de l’Agoa et l’augmentation substantielle de leurs exportations, la réciprocité des échanges n’est pas encore acquise ou exemplaire, les États-Unis n’ayant pas levé de leur côté la totalité des droits de douanes sur les produits d’importation ni supprimé les fortes subventions dont bénéficient leur secteur agricole. Le secteur textile en Afrique, en crise, nécessite un effort d’ouverture supplémentaire du marché américain, question qui est encore débattue au Congrès américain. À cela s’ajoute une faible appétence pour les produits africains, souvent mal connus et qui ne bénéficient pas de larges circuits de distribution en Occident et aux États-Unis. Surtout, un certain nombre de normes techniques et sanitaires, de qualité et de sûreté (barrières non tarifaires) mis en place par les Américains font barrage à l’importation de certains produits agro-alimentaires et industriels africains. De fait, les producteurs et compagnies américains qui étaient inquiets au début de l’impact négatif de l’Agoa sur l’industrie américaine et avaient protesté en 1999 contre ce projet, furent très vite rassurés. Le gouvernement leur expliqua que la faiblesse de la compétitivité des pays subsahariens dans le secteur manufacturier et de leur capacité à exporter du textile n’en faisait pas une menace sérieuse pour l’industrie nationale.

Des attentes déçues dans les secteurs capitaux

Caricature représentant un Barack Obama idéaliste et plein d'entrain s'adressant à une Afrique assise, atone, en s'écriant "Allez, Allez, Allez!". L'ombre portée révèle la présence d'un boulet attaché au cou de l'Afrique, symbolisant les entraves que l'Amérique feint de ne pas voir. Auteur : King Kenya

Caricature représentant un Barack Obama idéaliste et plein d’entrain s’adressant à une Afrique assise, atone, en s’écriant « Allez, Allez, Allez! ». L’ombre portée révèle la présence d’un boulet attaché au cou de l’Afrique, symbolisant les entraves que l’Amérique feint de ne pas voir. Auteur : King Kenya

L’industrialisation de l’Afrique est une nouvelle fois remarquablement occultée du programme de l’Amérique, laquelle préfère miser essentiellement sur le commerce, se targuant d’avoir su, à travers le MCC, incarner avec succès le concept d’ »Aid for trade » (aide pour le commerce). En matière d’aide globale pour le développement, le président Obama se fait le promoteur du principe d’ »Aid Effectiveness » (efficacité de l’aide) dont les trois piliers sont « accountability », « transparency », »results » (responsabilité, transparence et résultats) qui a été au cœur des réflexions du Quatrième forum de Busan sur l’efficacité de l’aide. L’Aid effectiveness fait également partie des six axes du Partenariat anglo-américain pour le développement mondial. Dans le plan de B. Obama pour l’Afrique, il n’est pas encore question d’investissements conséquents dans le secteur industriel qui permettraient pourtant de développer une production agro-alimentaire locale, auto-suffisante et de qualité, à des tarifs moins élevés que les produits manufacturés importés. Le lancement de la Nouvelle alliance du G8 pour la sécurité alimentaire et la nutrition[5], destinée à soutenir l’investissement agricole par la mise en place de partenariats publics-privés impliquant davantage de sociétés étrangères, est loin de faire l’unanimité. Ses détracteurs accusent ce programme de viser davantage le profit, l’accaparement des terres et la culture des biocarburants que la solidarité et la sécurité alimentaire. 

En termes d’investissements américains, l’Afrique représente une part dérisoire, ne recevant que 1% des investisseurs américains dans le monde. Quant à l’installation d’industriels et d’agriculteurs européens et américains, celle-ci n’a pas permis aux pays receveurs de se doter de capacités de transformation des produits agricoles qu’ils sont encore obligés d’exporter et de réimporter une fois finis. Les modalités d’un tel partenariat devraient faire l’objet d’une révision globale afin que ne soient reproduites les dérives engendrées par l’implantation ces dernières années de multinationales qui ont porté un coup sévère aux exploitations agricoles familiales et ont privilégié les biocarburants au détriment de l’agriculture vivrière. Leur logique de profit n’a pas permis d’enclencher une dynamique industrialisante qui favorise le travail décent et l’égalité des genres, la création et la mise à niveau des chaînes de valeur, l’autonomisation des acteurs et le renforcement des réseaux qui composent ces mêmes chaînes, dans les pays africains où les entreprises privées étrangères sont délocalisées[6]. Pour répondre aux besoins particulièrement élevés du monde rural, parent pauvre et délaissé du tissu économique de pays comme le Sénégal et la Tanzanie, qui rassemble pourtant plus de 70% de leurs populations actives, le président américain a annoncé que son pays soutiendra les agriculteurs sénégalais à améliorer leur rendement grâce à la fourniture de nouvelles semences et de nouvelles technologies agricoles – domaine dans lequel les Chinois sont en pointe et comptent s’impliquer davantage. 

La frustration des Sénégalais à l’écoute du discours de B. Obama s’explique, d’une part, par le manque d’ambition et d’originalité qui se dégage de ses promesses, et d’autre part, par le sentiment que cette visite a surtout été un prétexte pour parler de l’Afrique et de Nelson Mandela, beaucoup moins du Sénégal, relégué à une place secondaire voire négligeable dans le programme économique de Washington pour l’Afrique. Outre le commerce, le président Obama n’a pas perdu de vue l’importance capitale du secteur de l’énergie – car de son développement dépend l’avenir de nombreux secteurs comme l’agriculture, l’industrie, les transports et les télécommunications. À cet égard, ce dernier a annoncé le lancement de l’initiative baptisée « Power Africa » lors de son discours prononcé à l’Université du Cap, en Afrique du Sud. Ce projet, s’étalant sur cinq ans, représente un investissement de 7 milliards de dollars (5,1 milliards d’euros) destiné à faciliter l’accès à l’électricité propre et fiable des pays d’Afrique subsaharienne où deux tiers de la population (soit 600 millions de personnes) vivent sans électricité[7]. Les fonds restent cependant largement insuffisants car il faudrait, selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, un financement environ quarante fois plus élevé (300 milliards de dollars) pour atteindre l’objectif d’un accès universel à l’électricité. Un horizon d’autant plus difficilement accessible que la disponibilité des ressources financières est actuellement plus réduite qu’à l’époque de Bill Clinton et G.W Bush. Le premier groupe de pays bénéficiaires de « Power Africa » sera composé de l’Éthiopie, du Ghana, du Kenya, du Liberia, du Nigeria et de la Tanzanie.  Ces pays, bien qu’accusant un certain retard dans ce domaine, ont l’avantage de disposer, contrairement à nombre de leurs voisins d’Afrique occidentale, de sources d’énergie nombreuses et variées (charbon, pétrole, biomasse, gaz naturel, hydroélectricité, énergie solaire ou éolienne) qu’il pourront exploiter grâce à l’apport de fonds, d’un savoir-faire et de la technologie américains. D’autres pays africains pourraient être éligibles à cette aide, mais ne pourront en bénéficier que s’ils sont en mesure de présenter des projets viables dans ce secteur. Les Sénégalais qui souffrent de fréquentes coupures d’électricité ont eu une raison supplémentaire d’être déçus en apprenant que leur pays n’a pas été retenu pour le moment dans ce projet [8].

Relation d’interdépendance ou diktat déguisé ?

Le Directeur général de l'agence MCC (Millenium Challenge Corporation), Daniel W. Yohannes (deuxième à partir de la gauche) a pu s'entretenir sur la croissance africaine avec les quatre chefs d'États invités à la Maison blanche le 28 mars 2013, de gauche à droite : le président de la Sierra Leone Ernest Bai Koroma, Daniel W. Yohannes, la présidente du Malawi Joyce Banda, le premier ministre du Cap-Vert  Jose Maria Neves, et le président du Sénégal Macky Sall. (Photo : www.mcc.gov)

Le directeur général de l’agence MCC (Millenium Challenge Corporation), Daniel W. Yohannes (deuxième sur la photo à partir de la gauche) a pu s’entretenir sur la croissance africaine avec les quatre chefs d’États invités à la Maison blanche le 28 mars 2013. À ses côtés, de gauche à droite : le président de la Sierra Leone Ernest Bai Koroma, la présidente du Malawi Joyce Banda, le premier ministre du Cap-Vert Jose Maria Neves, et le président du Sénégal Macky Sall. (Photo : http://www.mcc.gov)

La réponse américaine aux besoins prioritaires des Africains reste globalement marginale. La relation afro-américaine, déséquilibrée, est vouée à progresser par paliers et la réussite des futurs projets communs dépendra irrémédiablement du dynamisme, de la maturité et de l’attractivité des démocraties et économies subsahariennes, ainsi que de leur capacité à défendre leurs intérêts. À bien des égards, la balle est dans le camp des sociétés civiles et des dirigeants africains, mais du côté américain, la bonne volonté et l’aptitude à faire des concessions justes et nécessaires, seront décisives. Ce partenariat stagnera tant que les États-Unis ne lèveront pas certains freins susceptibles d’accentuer un développement à plusieurs vitesses sur un continent qui doit, au contraire, s’évertuer à progresser vers toujours plus d’harmonisation et d’intégration. Généralement, lorsque les Africains se plaignent des restrictions trop fortes à leur encontre qui ne leur permettent pas de tirer pleinement parti des opportunités offertes par l’Agoa, les États-Unis se dérobent au lieu de procéder aux réajustements idoines. Ils tentent de noyer le poisson ou préfèrent simplement renvoyer la balle aux Africains, en leur enjoignant de fournir plus d’efforts et de résultats dans leurs pratiques de gouvernance et en les poussant vers toujours plus de démocratie, d’ouverture, de privatisation, de dérèglementation, de suppression des contrôles douaniers et de désubventionnement (une exigence que les Américains ne s’appliquent pas à eux-mêmes). Qu’il s’agisse d’aide au développement ou de commerce (ou les deux à la fois), les critères commerciaux et de politique intérieure imposés par les États-Unis sont surtout perçus comme un moyen détourné d’offrir à leurs investisseurs et compagnies un accès préférentiel aux marchés africains et pour Washington de dicter leur conduite aux pays bénéficiaires, lesquels ne peuvent, par ailleurs, contester ce partenariat (qui n’a d’ailleurs pas été le fruit de négociations bilatérales avec les Africains) sous peine d’exclusion de l’Agoa et du MCC. L’Amérique peut décider unilatéralement de modifier l’Agoa (en décidant, par exemple, d’étendre ou de diminuer à sa guise la liste les produits africains éligibles, d’assouplir ou de durcir la règlementation douanière etc.) ou d’annuler simplement cette loi sans avoir à en discuter avec les bénéficiaires. Deux aspects ne changent guère dans l’attitude des Américains vis-à-vis de l’Afrique :  d’une part, leur lecture superficielle de ses réalités et ses problèmes (qui tend à ignorer le regard et les attentes spécifiques des Africains sur leur propre développement), d’autre part leur façon de s’adresser à eux en maniant, avec un art consommé, la politique de la carotte et du bâton. Que leur approche de l’aide au développement en Afrique (et du continent lui-même) soit traditionnellement synthétique, totalisante, ou qu’elle se veuille différenciée selon les contextes, aucune mesure ou loi-cadre émise par les Américains ne rompt, dans les faits, avec un engagement qui reste très sélectif et peu homogène à l’échelle du continent noir, fondé sur une catégorie d’intérêts ciblés de laquelle est exclue une grande partie des besoins des populations. En outre, l’Union africaine, qui fête ses cinquante ans, n’a pas encore atteint un niveau optimal ou suffisant d’intégration économique continentale et de subsidiarité pour que les retombées issues des relations bilatérales (à comprendre comme des « relations Afrique-États-Unis ») puissent profiter à l’ensemble des pays du continent, sans discrimination. L’ Amérique se rabat donc opportunément sur les mécanismes qu’elle met en place, selon ses propres règles, et sur les relations birégionales (avec les structures sous-régionales) et les relations d’État à État.

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p align= »left »>Les oubliés d’une vision polycentrique

     D’un point de vue géopolitique, la place de l’Afrique dans le système international est appréhendée par Washington conformément à sa doctrine de sécurité nationale (publiée en mai 2010) qui introduit une révision des notions de leadership, d’influence et de puissance. Dans cette nouvelle projection du monde, l’administration américaine réfléchit et conçoit sa stratégie en termes de « polycentricité » (le président Obama rejetant le concept de « polarité » qui renvoie au vocabulaire de la guerre froide) désignant un monde structuré autour d’aires d’influence dans lesquelles les petits États – qui ne représentent qu’un intérêt stratégique négligeable – sont moins visibles et porteurs que les « centres » à la périphérie desquels ils se situent. Ces centres représentent les émergents qui sont les « poumons » et les « locomotives » de leur sphère d’influence et qui établissent entre eux des rapports économiques et politiques intra ou inter-continentaux croissants qui les font entrer en concurrence avec la triade (États-Unis, Europe, Japon). Rapporté à l’Afrique, le « bilatéralisme » tel qu’il a cours, semble réservé à un petit groupe de grands pays exportateurs d’Afrique australe et orientale. Ces « centres » représentant des parts de marché autrement plus importants dans les secteurs industriels et énergétiques, intéressent autant les Occidentaux que les grands émergents d’Asie, contrairement aux marchés très fragmentés (ou « atomisés ») majoritaires en Afrique, comme le Sénégal, le Mali ou le Burkina Faso ou la Zambie. Ces pays sont plus ou moins ignorés ou boudés par les investisseurs américains. L’essentiel des ressortissants américains présents dans ces pays est constitué de diplomates, de militaires, de sous-traitants civils, d’humanitaires et de Peace corps. L’administration Obama a eu un bon jugement en ne concevant pas de doctrine stratégique pour l’Afrique (il ne l’a d’ailleurs pas fait non plus pour le Moyen-Orient). Cela n’aurait eu aucune pertinence et utilité car ce continent très vaste est composé de 54 pays dont le développement se fait à plusieurs vitesses et les différentiels sont marqués au sein d’une même catégorie de pays. Par exemple, dans la typologie des PED, des pays pourtant classés dans la catégorie dits « à bas revenus » ne réussissent pas forcément dans les mêmes domaines et n’ont pas le même potentiel de croissance. Des pays comme le Sénégal et la Tanzanie entrent dans ladite catégorie, et même si leur IDH est très proche, ne se développeront pas au même rythme car leur taux d’industrialisation, leur balance commerciale, leurs ressources naturelles, leur revenu par habitant continuent d’évoluer différemment. L’administration Obama, même si elle se sert de ce constat pour défendre son choix de ne pas élaborer de « doctrine africaine », ne peut s’empêcher de prendre des décisions qui découlent d’un raisonnement tendant à délibérément ignorer les petits pays et marchés. Washington ne s’intéresse pas assez à eux pour prendre la peine de réfléchir à de vraies solutions innovantes et adaptées aux populations démunies.

Une ligne éthique encore parsemée de contradictions

L'ex secrétaire général Hillary Clinton saluant l'ancien premier ministre éthiopien Meles Zenawi, lors de la conférence de Londres sur la Somalie, en février 2012. Cette relation privilégiée avec un régime considéré par beaucoup comme sanguinaire est un exemple de "compromission" qui suit aujourd'hui encore la politique étrangère américaine. Photo : Jason Reed/AP

L’ex secrétaire d’État Hillary Clinton saluant l’ancien premier ministre éthiopien Meles Zenawi, lors de la conférence de Londres sur la Somalie, en février 2012. Cette relation privilégiée avec un chef d’État considéré par beaucoup comme un « dictateur génocidaire » est un exemple de compromission que la politique étrangère américaine traîne après elle en Afrique. (Photo : Jason Reed/AP).

Selon toute vraisemblance, les soutiens sélectifs, basés sur des choix politiques, idéologiques et économiques, qui caractérisent la politique américaine en Afrique ne font pas partie des aspects qui devraient connaître de sitôt une rupture majeure, malgré quelques légères inflexions. À trop vouloir imbriquer la démocratie et les droits civiques avec l’aide au développement et la politique commerciale, et placer la barre toujours plus haut (alors que ses partenaires africains peinent souvent à faire évoluer leurs institutions aussi rapidement que souhaité), Washington oublie qu’il peut être lui-même amené à prendre des décisions délicates dans certaines circonstances où doivent primer ses intérêts nationaux (la sécurité entre autres) et où il peut être nécessaire d’accepter des compromis réalistes, parfois à la limite de la moralité, donc proprement incompatibles avec une ligne éthique trop rigide. Si la démocratie et les droits de l’homme sont parmi les critères sur lesquels le président Obama se montre particulièrement à cheval, il est naturel et logique que son administration soit en mesure de justifier les raisons qui la poussent à fermer les yeux sur les violations enregistrées chez certains de ses plus grands partenaires africains. L’ Éthiopie, alliée stratégique de Washington dans la Corne de l’Afrique, fait partie des mauvais élèves qui semblent pourtant à l’abri d’une mise à pied. Malgré quelques progrès observés dans les domaines essentiels du développement humain (éducation, accès aux soins et à l’eau potable), l’économie de ce pays reste fragile et celui-ci demeure l’un des plus pauvres d’Afrique subsaharienne. La démocratie et la gouvernance économique sont depuis toujours les principales lacunes de son gouvernement. Étant entendu que les droits politiques et la politique commerciale sont deux critères fondamentaux expliquant notamment l’exclusion du Zimbabwe et de la Gambie du MCA, il est logique que l’Éthiopie – qui ne répond qu’à 6 des 17 indicateurs établis par la MCC – ne bénéficie pas non plus de cette allocation. Néanmoins, elle reste le plus grand récipiendaire de l’aide internationale avec 3 milliards de dollars reçus en 2008. Il s’agit d’une nécessité pour son peuple, mais les populations des pays sanctionnés ou mis à l’écart en auraient tout autant besoin. En 2011, l’aide des États-Unis, tant économique et militaire, à l’Éthiopie avoisinait les 700 millions de dollars. Par ailleurs, le régime de Meles Zenawi, homme fort d’Addis Abeba ayant régné d’une main de fer sur le pays pendant 21 ans jusqu’à sa mort en août 2012, a fait partie de l’Agoa et des 24 pays d’Afrique sélectionnés dans les trois programmes constitutifs du US Presidential development initiatives, à savoir le President’s Emergency Plan for AIDS relief ([PEPFAR] plan d’aide d’urgence à la lutte contre le sida lancé en 2003 par le président G.W. Bush), Global Health Initiative et Feed the Future (lancé en 2010 par l’administration Obama). La nomination d’un américano-éthiopien, Daniel Yohannes, par B. Obama le 18 septembre 2009 à la tête de la Millenium Challenge corporation, constitue un énième facteur favorable à cet État que Washington ne manque d’ailleurs jamais de remercier pour ses bons et loyaux services. Tout au long de son règne, de nombreuses ONG accusaient fréquemment Meles Zenawi de dévoyer une partie de l’aide publique fournie par Washington et l’UE pour en user comme d’une « arme politique » visant à dissuader ou à punir ses opposants et dissidents, et à conditionner la survie des Éthiopiens à leur allégeance à son pouvoir [9]. Plus grave, ce régime répressif n’hésitait pas à s’en prendre à sa population, à réprimer toute sorte de protestations (comme les manifestations pré et post-électorales de 2005 qui s’étaient soldées par 68 morts, des centaines de blessés et des milliers d’emprisonnements de civils) et s’était rendu coupable de nombreux massacres à caractère génocidaire dans la région de Gambella et dans l’Ogaden. Washington et les chancelleries européennes préféraient couvrir ces violations et crimes répétés, soutenir politiquement, économiquement et militairement cet État majoritairement chrétien qui représente encore aujourd’hui un allié crucial de Washington dans sa guerre contre le terrorisme. L’ Éthiopie a pour voisins le Soudan et la Somalie, deux États islamiques et bases arrières d’Al-Qaïda et des Al-Chabaab. Ses troupes, engagées depuis 2011 en Somalie contre les rebelles islamistes aux côtés de l’armée kényane et de la mission de l’Union africaine (Amisom), ont entamé leur retrait partiel de Baidoa, bastion des Al-Chabaab desormais stabilisé. Meles Zenawi, comme d’autres alliés de Washington en Afrique subsaharienne et dans le monde arabe, avait su utiliser le prétexte de la GWOT (Global War on Terrorism) et sa loi antiterroriste (« Anti-Terrorism Proclamation« ) entérinée en 2009 pour restreindre les libertés et retarder les réformes nécessaires. Succédant à M. Zenawi, l’actuel premier ministre Hailemariam Desalegn avait promis aux Occidentaux qu’il renforcerait la démocratie, la liberté d’expression et autoriserait un plus grand pluralisme, mais son gouvernement est encore loin d’avoir honoré cet engagement. De nombreuses violations des libertés ont cours actuellement, des exactions sont perpétrées par l’armée éthiopienne sur le territoire, et le gouvernement s’empare de terrains qu’il revend aux investisseurs étrangers, sans hésiter pour ce faire à procéder à des déplacements forcés de populations [10].

La politique du « deux poids deux mesures » bientôt abandonnée ?

Combattants du M23 se retirant, le 1 décembre 2012 de Goma (Est du Congo) qu'ils avaient prise un mois plus tôt, suite à la signature d'un cessez-le-feu. Photo : PressTv

Les combattants du M23 se retirant le 1 décembre 2012 de Goma (Est du Congo) qu’ils avaient prise un mois plus tôt, suite à la signature d’un cessez-le-feu. (Photo : PressTv)

L’ex dictateur éthiopien Meles Zenawi, couvert de louanges de son vivant et à son décès par les puissances occidentales, reste, un an après, toujours présenté par ses opposants et des responsables d’ONG comme un tyran bien plus implacable que le syrien Bashar al-Assad dont les Occidentaux conspirent à la chute depuis 2011. D’autres pays d’Afrique bénéficient de l’aide gouvernementale américaine à travers ses nombreux canaux sans que Washington ne daigne faire pression sur leurs chefs d’États qui s’autoproclament « présidents à vie » (ou se comportent comme tels) pour qu’ils acceptent de passer la main. En Afrique, une cinquantaine de chefs d’État sont en place depuis plus d’une vingtaine d’années. Idriss Deby au Tchad (depuis 22 ans) Blaise Compaoré au Burkina Faso et Yoreni Musevini en Ouganda (depuis 27 ans), Paul Biya au Cameroun et Denis Sassou Nguesso au Congo Brazzaville ( depuis 31 ans), José Eduardo Dos Santos en Angola ( depuis 34 ans) font partie des plus vieux présidents dont les pays bénéficient au moins de deux des quatre programmes américains sus-cités. Washington préfère maintenir en place des gérontes qui le servent, assurent la stabilité de leurs pays et de leur région, sans juger utile de fixer des limites de durée du pouvoir (qui ne devrait excéder deux ou trois mandats consécutifs) comme condition d’éligibilité à ses programmes d’aide. Outre le régime éthiopien, le Rwanda est également un partenaire clé de Washington, connu pour son rôle néfaste dans la région des Grands Lacs et pour sa politique intérieure épinglée à plusieurs reprises parles Nations Unies et Human Rights Watch, mais qui semble malgré tout intouchable ce jour, ayant à la tête de son gouvernement un président atlantiste qui appartient à l’ethnie tutsie, martyre du génocide de 1994, et ayant fait le choix politique de se rapprocher de Washington et de rejoindre le Commonwealth. Le gouvernement de Kigali soutient militairement la milice du M23 coupable de crimes dans le Congo voisin [se référer à l’article « Sécurité et défense en Afrique subsaharienne : vers une engagement plus fort de Washington? » dans ce blog]. Celui-ci avait déjà fait l’objet de critiques de la part de l’ancienne secrétaire d’État, Hillary Clinton, mais sans pousser Washington à sévir. Kigali n’a d’ailleurs pas été suspendu du MCA et reste éligible à l’Agoa. Rompre avec le « deux poids deux mesures » n’est plus seulement une exigence éthique, mais aussi de cohérence globale dans la stratégie de l’administration Obama. À son crédit, celle-ci a commencé à hausser le ton en juillet 2013, sommant Kigali d’arrêter d’armer le M23 mais sans viser (et citer nommément) le président Paul Kagame. L’arrêt du soutien au M23 par l’Ouganda, son autre pourvoyeur régional, l’affaiblissement de ses troupes et la mort de son chef Sultani Makenga, conjugués au regain d’énergie de l’armée congolaise et au déploiement de la Monusco (Brigade d’intervention de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RD Congo) vont peut-être contribuer à définitivement sceller le sort des milices actives sur le territoire. Le président Obama est contraint, en prévision d’un éventuel durcissement de sa position vis-à-vis du régime syrien de Bashar al-Assad, de prouver que certaines règles internationales doivent s’appliquer à tous. En choisissant de se rendre en 2009 au Ghana, puis en 2013 au Sénégal, le président Obama avait voulu saluer singulièrement deux pays ayant auparavant organisé des élections libres, propres et transparentes. Une initiative louable mais qui n’efface pas les contradictions flagrantes qui apparaissent lorsque les intérêts géostratégiques et sécuritaires de l’Amérique sont en jeu, et qui démontrent que les rapports de force économiques et la realpolitik continuent, dans l’absolu, de l’emporter sur l’éthique. À cet égard, l’Amérique se rapproche parfois involontairement de la Chine dont elle critique ouvertement la coopération décomplexée avec des gouvernements jugés « peu fréquentables » qui bafouent les droits de l’homme comme le régime soudanais d’Omar el-Béchir (le Soudan du Nord est le second fournisseur d’or noir de la Chine après l’Angola). L’ Amérique de B. Obama, en s’évertuant à faire de l’approche idéologique et morale (voire moralisante) la pierre d’angle de sa politique commerciale et d’aide africaine, parfois à la lisière de la schizophrénie, du cynisme ou du ridicule, accentue son décalage avec le discours sincère et équilibré et  l’action concrète et efficiente attendus par les Africains. In fine, elle finit par créer un rapport conflictuel et malsain avec sa propre volonté de puissance alors que, en l’espèce, les grands émergents n’ont, eux, aucune difficulté à assumer des ambitions analogues.

Sécurité et énergie toujours à la base des choix de Washington

Top 10 des pays récipiendaires de l'aide américaine sur l'exercice 2012 et 2014 (estimations).  Les cinq premiers pays restent le même, hormis l'apparition du Nigeria en 5eme position, seul pays africain en 2014. Les pays africains entre la 7eme et 10 position sont des  partenaires politiques et/ou économiques de l'Amérique : le Nigeria, le Sud Soudan, l'Éthiopie, la Tanzanie, l'Afrique du Sud, le Kenya et l'Ouganda.

Top 10 des pays récipiendaires de l’aide américaine en 2012 et en 2014 (estimation). Les 5 premiers pays sont identiques, hormis le Nigeria, seul pays africain en 5eme position en 2014. Le reste du classement, à partir de la 7ème position, est uniquement composé de partenaires africains politiques et/ou économiques (pays producteurs et exportateurs) de l’Amérique. Tableau extrait du rapport sur l’exercice budgétaire 2014 publié par le Congressional Research Service (think tank du Congrès américain), page 7.

Sous le premier mandat de B. Obama, l’aide publique annuelle américaine, tout en restant la plus importante en Afrique, a diminué, passant de 8,1 milliards de dollars en 2010 à 6,9 milliards en 2011 sur décision du Congrès (malgré le souhait du président Obama de la maintenir à 7,9 milliards), et ce, probablement sous l’effet conjugué de la crise et de l’augmentation des besoins dans d’autres zones, au Maghreb, Proche-Orient et dans l’Afpak. Certains programmes comme le PEPFAR ont subi également des coupes. L’aide américaine en Afrique sur l’exercice budgétaire 2011-2012 est remontée à 7,7 milliards, dont 1,3 milliards destinés à l’aide au développement et près de 600 millions pour le soutien économique. En général, Washington consent à augmenter et à maintenir son aide lorsque des situations durables ou conjoncturelles engagent deux sortes d’ intérêts sécuritaires primordiaux : la sécurité de l’Amérique et celle des sources d’approvisionnement énergétiques, ou bien l’un ou l’autre. Si sa politique d’aide est résolument plus active envers les pays producteurs de pétrole, la sécurité nationale demeure l’autre facteur décisif. En effet, si un pays d’Afrique, comme l’Éthiopie par exemple, n’est ni producteur d’hydrocarbures ni de minerais, et ne nécessite pas, par conséquent, une sécurisation de ses ressources, il lui faut, a minima, répondre à un ou plusieurs cas de figure pour représenter un intérêt et justifier une aide économique et militaire significative de l’Amérique : soit qu’il s’agisse, primo, d’un allié idéologique de Washington, d’une plate-forme politique de poids, d’un « îlot de démocratie et de stabilité », fragile ou très isolé, car entouré de régimes antagonistes ou instables ou de forces non-étatiques lui étant clairement hostiles ainsi qu’à l’Amérique. Un acteur se trouvant dans une situation sensible qui le contraint à résister, avec ses faibles moyens politiques et économiques, aux actions (in)directes nuisibles de ses voisins. Secundo, qu’il s’agisse d’un pays faible ou fort mais affichant dans les deux cas une volonté de jouer un rôle de régulateur dans un espace jugé économiquement porteur (au regard de ses richesses naturelles) mais instable. En somme, un acteur volontaire et apte à œuvrer à la pacification, à la démocratisation et à l’ouverture des marchés, au bénéfice de l’Amérique. Tertio, qu’il s’agisse d’un pays qui n’est pas nécessairement un allié traditionnel de l’Amérique, mais qui entretient des relations économiques et diplomatiques étroites avec l’un de ses plus proches et stratégiques alliés, et prend fréquemment des mesures amicales et facilitantes à son égard (« l’ami de mon ami est mon ami »). Quarto, qu’il s’agisse d’un pays dont le renforcement économique et militaire est de nature à endiguer l’influence d’un ou plusieurs de ses voisins ennemis de Washington, voire de les affaiblir politiquement et de les déstabiliser de l’intérieur. En Afrique, l’Égypte est un cas qui conjugue de nombreuses caractéristiques sus-énumérées. Il s’agit du seul État africain frontalier d’Israël, du premier pays arabe à le reconnaître officiellement et à coopérer militairement avec lui dans le cadre de la sécurisation du Sinaï et à lui fournir du gaz (43% des importations israéliennes). L’ Égypte a également tenu durant 34 ans un rôle de médiateur entre Israéliens et Palestiniens. Ces particularités en font un acteur clé pour la stabilité de la région et pour la sauvegarde des intérêts américains et israéliens. C’est ainsi qu’il reçoit 20% de l’aide américaine annuelle accordée à l’Afrique, et cette part pourrait augmenter à l’avenir.

Un président rattrapé par ses priorités nationales et ses échecs

Pays phare du « Printemps arabe » et premier bénéficiaire de l’aide américaine en Afrique, l’Égypte est actuellement divisée et en proie à des violences meurtrières depuis la destitution le 3 juillet 2013 du président Mohamed Morsi, issu des frères musulmans. (Photo : Gianluigi Guercia, AFP/Getty Images)

Les effets du marasme et du haut niveau de chômage que subissaient déjà les populations arabes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’aube des révolutions ont été aggravés par l’instabilité politique, particulièrement en Égypte qui a connu récemment sa seconde « révolution » et vit une transition tendue, contestée et jonchée de périls. L’aide financière, tant économique que militaire, perçue par ces pays devrait être théoriquement supérieure pour l’exercice 2014 ou plus ou moins égale à son niveau actuel, en se fiant aux chiffres et estimations donnés par le Congressional Research Center [ceux-ci ont été calculés avant la chute du président Mohamed Morsi]. Sans surprise, les principaux récipiendaires de l’aide américaine sur l’exercice 2012-2013 sont, par ordre Israël (3,1 milliards de dollars), l’Afghanistan (2,3 milliards), le Pakistan (1,8 milliards), l’Égypte (1,6 milliards) et l’Irak (1,3 milliards). Les estimations pour 2014 n’indiquent pas de bouleversement dans cette hiérarchie et placent l’Égypte en troisième place, le Pakistan en quatrième (avec cependant une diminution de 621 millions de dollars). C’est l’Irak qui devrait connaître le déclassement le plus remarquable avec une aide diminuée de plus de la moitié, et ainsi tomber à la 7ème place[11]. La Tunisie, la Libye et le Yémen, autres pays du « Printemps arabe » qui essayent de surmonter de nombreuses difficultés et déficiences (économiques, humanitaires et institutionnelles), ne reçoivent pas une assistance proportionnelle à leurs besoins et comparable à celles des cinq pays arabes et centrasiatiques de ce classement duquel ils sont absents. Les montants qui leur sont alloués sont loin derrière ceux de l’Égypte : 350 millions de dollars pour la Tunisie, 400 millions pour la Libye 170 millions pour le Yémen. Pour l’exercice 2012-2013, L’US Aid a prévu 8,2 milliards de dollars pour les opérations de contingence conduites à l’étranger (Overseas Contingency Operations OCO) couvrant les coûts extraordinaires et temporaires de programmes et de missions civiles en Irak, en Afghanistan et au Pakistan [12]. Les événements survenus dans le monde arabe peuvent encore connaître des dénouements imprévisibles et dramatiques susceptibles d’exiger un ou plusieurs décaissements de fonds d’urgence. Hors du monde arabe et de l’Asie centrale, le « pivotement » stratégique de Washington vers l’Asie-Pacifique aura également un coût matériel et financier. La somme des données actuelles et le halo d’incertitudes qui l’entoure n’incitent pas Washington à inverser radicalement ses choix budgétaires et ses orientations politiques en faveur d’autres géographies. Bien que plus élevés que les montants d’aide versés aux quatre derniers pays subsahariens du classement 2012-2013 (Éthiopie, Nigeria, Soudan du Sud et Afrique du Sud), les moyens accordés à l’Égypte, à l’Irak et à l' »Afpak » font l’objet de critiques acerbes de la part de nombreux analystes américains qui estiment que ceux-ci étaient et demeurent insuffisants par rapport à l’ampleur et à l’urgence des besoins. La stratégie de la Maison blanche, minimaliste et quelque peu superficielle et spartiate, privilégiant le « low cost« , n’a pas permis d’accompagner de façon satisfaisante les transitions post-révolutionnaires et de les transformer en succès politique et économique durable. L’inertie de l’administration Obama face au conflit en Syrie, son manque de précaution et d’anticipation vis-à-vis de la situation égyptienne, son incapacité à doter l’Afghanistan d’un appareil sécuritaire viable et à éviter l’exacerbation des divisions dans ce pays, pèsent sur le bilan de B. Obama dont la tempérance (qui confine à la frilosité) est autant appréciée en Europe qu’elle est brocardée par ses opposants du Capitol Hill, lesquels veulent une Amérique plus présente et assertive dans ces dossiers brûlants. Le président devra reprendre la main et revoir sa formule car il ne lui sera pas pardonné d’avoir délaissé cette région hautement stratégique pour l’Amérique. Deux considérations restent préséantes aux autres et se croisent dans la définition et la répartition des objectifs globaux de Washington et du niveau de l’aide étrangère émise : d’une part, la nécessaire diversification des sources d’énergie sur fond de compétition entre les puissances qui oblige l’Amérique à garder un œil attentif sur une Afrique recélant de réserves encore inexplorées et déjà très convoitées (bien que ses actuels grands fournisseurs africains lui assurent déjà l’approvisionnement dont elle a besoin et lui permettent de voir venir sereinement). D’autre part, l’impérieuse préservation d’un statu quo soumis à de fortes secousses au Moyen-Orient, zone où les enjeux sécuritaires et énergétiques sont bien plus imbriqués et nombreux et exigent un investissement incomparable. Une région qui reste, pour cette raison, une priorité pour Washington et pour les Américains. Et un prochain grand test pour B. Obama, loin devant l’Afrique.

L’aide à la sécurité, portion congrue de l’aide américaine à l’Afrique

Un instructeur de l'armée américaine donnant des conseils à des soldats sierra-leonais dans le cadre de "l'African Contingency Operation training and Assistance" (ACOTA), un programme destiné à la formation et à l'équipement des armées africaines chargés d'opérations de soutien à la paix et dans la lutte contre le terrorisme sévissant au Mali. Photo : armyrecognition.com

Un instructeur de l’armée américaine donnant des conseils à des soldats sierra-leonais dans le cadre de l’African Contingency Operation training and Assistance (ACOTA), un programme bénéficiant à 25 pays et destiné à la formation et à l’équipement des armées africaines engagées dans des opérations de soutien à la paix et de lutte contre le terrorisme sévissant au Mali. (Photo : armyrecognition.com)

Le lien entre développement socioéconomique, démocratie et sécurité est très étroit dans l’optique américaine. Washington est généralement critiqué pour sa propension à faire du développement durable le parent pauvre de ce triptyque au profit de la sécurité, placé en tête. L’aide allouée à la sécurité des pays subsahariens inclut le financement des opérations de maintien de la paix, l’entraînement des armées africaines, la lutte contre la piraterie, le narcotrafic et le terrorisme etc. La lutte contre les grands groupes terroristes que sont Al-Qaïda, Boko Haram, la LRA et les Shabaab pousse l’Amérique à y accroître son engagement militaire et sécuritaire. Nombre d’observateurs ont voulu voir dans la visite du président Obama au Sénégal un préambule au projet américain d’établissement en Afrique du centre de commandement militaire territorial de l’Africom (Africa Command) créé en 2007, actuellement basé à Stuttgart, en Allemagne. La rumeur d’une telle option suscite la méfiance des Africains qui craignent pour leur souveraineté, mais il y a peu de chances que l’Union africaine donne son aval à un établissement de l’Africom sans contreparties substantielles en matière de coopération militaire et technique favorisant la formation et l’équipement des armées et forces de sécurité nationales, et surtout, de garanties sur l’accès aux informations relatives aux activités de renseignement américaines. L’installation négociée d’une base militaire américaine permanente, pas nécessairement le QG de l’Africom, sur le territoire sénégalais pourrait, sous certaines conditions, permettre au Sénégal et à ses voisins, de renforcer leur sécurité face à une potentielle résurgence de la menace terroriste sahélienne. Les atouts politique et géographique du Sénégal, frontalier avec le Mali et disposant d’un débouché maritime, en font un sérieux candidat bien que l’ambassadeur américain au Sénégal, Lewis Luken, eût démenti quelques jours avant la visite du président Obama, l’existence d’un projet d’implantation de l’Africom au Sénégal[13]. Dakar, cap africain le plus avancé sur l’atlantique, permettrait aux Américains d’élargir leur surveillance au Golfe de Guinée tout en gardant une vue imprenable sur la bande sahélienne. En 2011, des rumeurs s’étaient déjà propagées, suivies en 2012 de révélations apportées par un site web américain cyberwarnews sur l’existence d’une prétendue base militaire américaine secrète à Elinkine, en Casamance, dans le Sud du pays, sans que l’authenticité des documents mis au jour n’ait été confirmée jusqu’à présent. La teneur très sécuritaire des propos tenus par le président sénégalais Macky Sall lors de la visite de son homologue américain, indique a priori que son gouvernement pourrait être favorable à une coopération étrangère plus soutenue dans le domaine militaire, mais dont les modalités restent à définir en concertation avec les autres pays de la région. Le président Sall a, en outre, qualifié « d’erreur » le retrait en 2010 des militaires français du 23ème bataillon d’infanterie marine (BIMA) stationnés au Sénégal depuis 1979 – armée française sans laquelle ce dernier estime que « le Mali aurait disparu de la carte ». Par ces déclarations, suivies d’un appel à une plus grande coopération avec les États-Unis et l’Europe pour doter les pays africains de capacités à même de faire face au jihadisme transsaharien, le chef d’État sénégalais entend-t-il préparer ses citoyens à la possibilité d’une présence militaire américaine étendue dans son pays? Quoi qu’il en soit, un tel scénario ne changerait pas le constat – et la conviction de plus en plus partagée par les opinions africaines – qu’en dehors du champ de l’impératif sécuritaire américain et de la stabilité d’une poignée de pays alliés qui y jouent un rôle clé, l’Afrique dans son ensemble demeure à la périphérie des intérêts étrangers de Washington.

USA-UE et BRICS en Afrique : des méthodes différentes, une même finalité

L'ex président chinois Hu Jin Tao, en présence de neufs dirigeants africains et du SG de l'ONU, Ban Ki Moon à la cinquième Conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine le 19 juillet 2012. Photo : © Xinhua

L’ex président chinois Hu Jin Tao, en présence de neufs dirigeants africains et du SG de l’ONU, Ban Ki Moon à la cinquième Conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine le 19 juillet 2012. Photo : © Xinhua

L’APD américaine en Afrique, bien qu’intégrant des critères et des mécanismes de bon aloi, ayant vocation à « responsabiliser » les acteurs africains, à rationaliser les fonds, à prouver la transparence de ses structures aux contribuable américain, et à stimuler le « mix » aide et commerce; maintient malgré tout les pays récipiendaires dans un statut intermédiaire – qui est moins celui de « l’assisté » que du « soumis », et les prive encore de l’accès à un développement homogène et durable. Or, seule une autonomie financière et productive les mettrait en position de négocier de façon plus juste les termes de leurs futurs partenariats. À l’image des pays occidentaux, les émergents, la Chine au premier chef, apportent une aide aux pays en voie de développement en échange d’accords préférentiels (dont certains tacites), s’illustrent par un comportement souvent dicté par un capitalisme usuraire et rentier qui vampirise les économies locales. Ces intentions, objectifs et conditions qui sous-tendent l’aide des émergents et les rapports BRICS-PED bénéficient de l’indulgence des tiers-mondistes envers un petit groupe de pays ambitieux et gourmands qu’ils persistent à regarder, à tort ou à raison, comme des alliés naturels, « victimes » ou « adversaires » comme eux de l’hégémonie occidentale qu’ils sont décidés à contrer ensemble. Ces voix sont plus promptes à défendre ou à excuser la Chine qui, effectivement, équilibre mieux son offre, met les bouchées doubles en matière de prêts (20 milliards promis lors de la dernière édition du Forum sur la coopération sino-africaine en juillet 2012), de commerce et d’investissements dans les grands chantiers d’infrastructures, sans s’ingérer dans les affaires internes, sans évaluer ou juger avec un ton paternaliste et intransigeant les pouvoirs publics, le niveau de corruption et de liberté, et les poser comme des conditions strictes aux lignes de crédit qu’elle octroie. En outre, tel qu’indiqué dans le rapport du Development Assistance Committee de l’OCDE de 2011, l’efficacité de la politique américaine est clairement handicapée par la prolifération des objectifs et des agences qui rend difficile la traduction de la vision américaine en un cadre stratégique cohérent et convenu entre l’administration et le Congrès. Sont généralement mises en cause  les 140 priorités et 400 directives énumérées par l’US Foreign Assistance Act, base juridique du programme d’aide américain. Les réformes lancées en 2006 visant à renforcer la coopération entre le département d’État et l’USAID n’ont pas été appliquées aux 25 institutions chargées de l’application des priorités [14]. Contrairement aux Américains et aux Européens, la Chine affiche clairement ses intérêts et ses tactiques, et ne semble pas éprouver le besoin de se cacher derrière la mantra de la démocratie et de l’économie de marché pour profiter des facilités que celles-ci ouvrent. Elle se montre mieux disposée que les Occidentaux à répondre à l’exigence des Africains d’être traités « d’égal à égal », de ne pas ressentir à leur égard de complaisance ni d’autorité, et de ne plus être considérés comme de simples consommateurs passifs. Les discours fraternels et marques d’estime appuyées de la Chine, vus et entendus à chaque forum sino-africain ou rencontre bilatérale, font-ils forcément de la Chine un partenaire plus sincère, plus fiable et bien plus préoccupé par le développement de l’Afrique que ne le sont les puissances occidentales? La politique africaine de la Chine n’est pas exempte d’inégalités et d’actions susceptibles d’être néfastes à terme aux intérêts de l’Afrique dans certains domaines. Sa connivence avec des régimes auxquels elle fournit des armes, assure sa protection et son soutien au sein des grandes instances internationales n’est pas sans rappeler les comportements collusifs et corruptifs, et autres faits et aspects obscurs de la « Françafrique » d’hier qui ont permis de maintenir des régimes dictatoriaux en place et de tuer dans l’œuf tout éveil démocratique susceptible de gêner ses intérêts. La Chine ne lésine sur aucun moyen pour préserver un régime africain coopératif, qu’il soit démocratique ou autoritaire. Il peut lui être reproché d’entretenir les tares de l’Afrique par des procédés tels que l’octroi arbitraire de prêts sans intérêts aux montants faramineux contre un remboursement par du pétrole, de l’or et du bois. L’annulation de la dette est une pratique également privilégiée (et de plus en plus courante dans les rapports Sud-Sud) à laquelle la Chine, précurseur en la matière, a eu plusieurs fois recours depuis 2000 pour séduire et resserrer ses liens avec les Africains. Ses bienfaits sont encore discutés, car cela ne résout pas fondamentalement le problème de la réputation d’insolvabilité qui colle aux mauvais débiteurs et la perte de confiance de leurs futurs créanciers si ces gouvernements ne réinjectent pas les fonds dégagés par la remise de dette dans des projets de développement sérieux et surtout, s’ils ne sont pas capables de les faire aboutir. Mais cette insolvabilité africaine ne profite-t-elle pas, en tout état de cause, aux États étrangers qui continent d’exploiter ses ressources en pratiquant justement des prêts aux taux usuraires?

Les émergents et l’Afrique : derrière l’unité de façade, une rivalité larvée

Les chefs d'États des quatre grands émergents réunis lors du quatrième sommet des Brics qui s'était tenu à New Delhi, le 29 mars 2012. Photo : Press Trust of India (PTI)

Les chefs d’État des cinq grands pays émergents réunis lors du quatrième Sommet du Brics à New Delhi, le 27 mars 2013. De gauche à droite : le premier ministre indien Manmohan Singh, le président chinois Xi Jinping, le président sud-africain Jacob Zuma, la présidente brésilienne Dima Roussef et le président russe Vladimir Poutine. Photo : Press Trust of India (PTI)

En recourant à l’annulation de la dette, la Chine n’est pas la seule « coutumière du fait », le Brésil et la Russie lui ont déjà emboîté le pas. À l’occasion du cinquantenaire de l’Union africaine en mai 2013, le Brésil a annulé 900 millions de dettes de douze États africains, et la Russie, signataire d’un accord au G8 basé sur le principe de « dette contre développement », avait décidé en octobre 2012 d’annuler 20 milliards de dettes de plusieurs pays africains. Les Brics sont donc bien décidés à ne pas laisser toute la place en Afrique au « duopole » Chine-Amérique, même s’ils ne disposent pas de ressources financières comparables aux leurs pour prétendre jouer dans la même catégorie. Chacun veut élargir son rayon d’action à son rythme, en fonction de son agenda et de ses capacités, et use d’arguments historiques et moraux divers pour justifier son intérêt soudain et croissant pour l’Afrique. La présence économique des Brics en Afrique est déjà considérable et continue de se consolider, et ces derniers veulent désormais atteindre l’indépendance financière via la création d’une banque de développement, dont le principe a été accepté lors du Sommet de New Dehli le 27 mars 2013, conçue comme une alternative à la Banque mondiale et au FMI. Mais ce projet de fonds conjoint prometteur destiné à financer les infrastructures a mis au jour de fortes rivalités et désaccords relatifs au financement de la banque et au choix de sa future devise commune. Plus largement, les rapports entre les Brics témoignent d’autant sinon davantage de divergences que d’éléments communs. Leurs réflexes de puissance, du reste pas si éloignés de ceux de l’Amérique, s’aiguisent et se dévoilent progressivement. Au stade actuel de leur développement, les Brics se situent davantage dans une logique pure et dure de puissance, au sens classique et plus primitif du terme, que dans une logique d’influence caractéristique des nations européennes dont les économies sont arrivées plus tôt à maturité et dont l’organisation de plus en plus supranationaliste a eu pour effet d’inhiber la quête individuelle (étatique) de puissance au profit de formes plus modernes et diversifiées, relatives à la « puissance douce ». À ce jour, la défense et la sécurité sont le seul secteur dans lequel la Chine et les autres émergents n’ont pas encore investi massivement en Afrique, laissant Washington et l’Europe, dans une moindre mesure, sans rivaux. Mais cela ne durera pas éternellement. L’économie et l’influence ne suffiront plus à les départager. Le futur engagement militaire des Brics en Afrique pourrait devenir le corollaire de leur montée en puissance et de l’évolution de leurs rapports et intérêts dans cette zone. D’ici à ce que le projet de banque de développement soit officiellement lancé et arrive à maturité, la méthode de la Chine et des Brics en matière de prêts et de dons à l’Afrique (dont la traçabilité n’est pas toujours très claire) reste délibérément à rebours de « l’aide structurée » que les Américains, les Européens et les organisations internationales promeuvent. Mais la finalité, à savoir l’accès aux ressources stratégiques, est la même pour les Chinois, les émergents, les États-Unis et l’Europe. Les dons, les prêts bonifiés et les contrats de désendettement destinés à financer des projets de développement, constituent pour les pays donateurs plus « orthodoxes » autant d’outils et de moyens plus ou moins directs de garantir l’accès de leurs opérateurs économiques aux marchés générés par l’APD, comme un « juste retour d’ascenseur » en quelque sorte. L’aide américaine reste quant à elle « liée », c’est à dire que l’Amérique impose aux bénéficiaires de l’utiliser pour acheter des produits ou services américains. La stratégie d’aide à l’Afrique « sans conditions » de la Chine contraint déjà les Occidentaux à adapter sans cesse leurs produits financiers et à affiner et assouplir leur approche, mais cela ne semble pas suffire à rattraper leur retard et à sortir d’une posture paternaliste. En définitive, seuls les mécanismes et les vecteurs varient, et le visage de l’Afrique de demain sera fonction des options qu’elle aura privilégiées tout au long de son développement. Mais il n’est pas certain que les voies les plus faciles à emprunter soient forcément les plus sûres et efficaces à terme, ni qu’elles éduqueront les mentalités au développement durable et changeront bénéfiquement les comportements dont celui-ci est tributaire.

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p align= »left »>Diplomatie, aide et commerce avec l’Afrique: un style de discours et un comportement à adapter

Inaugurée le 15 mars 2013, la nouvelle ambassade américaine au Sénégal, dont l'architecture a été confiée à PageSoutherlandPage, est décrite comme la plus grande, moderne et écologique des représentations diplomatiques en Afrique de l'Ouest. Celle-ci abrite 450 agents et rassemble dans un même espace les services consulaires, le bureau des RH, le centre de ressources et d’information, le service Education advising, les bureaux de l’USAID et ceux de la coopération militaire, etc.

Inaugurée le 15 mars 2013, la nouvelle ambassade américaine au Sénégal, dont l’architecture a été confiée à PageSoutherlandPage, est présentée comme la plus grande, moderne et écologique des représentations diplomatiques en Afrique de l’Ouest. Celle-ci abrite 450 agents et rassemble dans un même espace les services consulaires, le bureau des RH, le centre de ressources et d’information, le service « Education advising« , les bureaux de l’USAID, et ceux de la coopération militaire, etc.

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p align= »left »>Dans le secteur pétrolier, les Américains restent encore, avec une avance certaine, les premiers clients de l’Afrique, mais pourraient voir de nouveaux marchés énergétiques leur échapper, à cause notamment de leurs lacunes dans la façon d’interagir et de négocier avec les Africains – que les Chinois savent exploiter à leur avantage. Le « c’est à prendre ou à laisser » des premiers contraste avec la souplesse et la finesse de la diplomatie chinoise, laquelle sait arrondir les angles, mettre l’accent sur le « partenariat gagnant-gagnant » dans ses discours, et veille à écarter des affaires tout ce qui exprimerait ou induirait un rapport de force (bien que sur certaines questions comme l’indépendance de Taïwan, elle ait su plus d’une fois se montrer très « persuasive »). Empreint d’un grand pragmatisme, le discours officiel des Chinois n’est pas parfaitement neutre ou dénué de sous-entendus idéologiques, auquel cas, l’ethos de ses orateurs n’en serait pas aussi séduisant et astucieux. L’esprit de Bandung n’est jamais très loin lorsque Beijing met en avant l’amitié entre les peuples ou la solidarité fraternelle et inaltérable entre émergents et pays en développement, plus ou moins implicitement présentée comme un rempart contre les forces occidentales du capital.
Sur le plan de la coopération économique, l’Empire du Milieu a encore des efforts à faire en termes de formation et de transfert de compétences (le Brésil, par exemple, se montre davantage volontaire sur ces questions) pour permettre aux Africains de reproduire, de gérer et d’entretenir eux-mêmes les infrastructures mises en place par les entreprises chinoises. Les Africains blâment généralement la RPC d’employer surtout de la main-d’œuvre chinoise dans les grands chantiers initiés chez eux. Les fonctionnaires américains de leur côté se voient reprocher de vivre en vase clos, de ne consommer que des produits importés de leur pays et de très peu se mêler aux populations, hormis les centaines de Peace corps, dont c’est précisément la fonction, et qui sont actifs dans les communautés rurales. Leurs ambassades et services consulaires sont comparés par les populations autochtones à des « bunkers » et à des « nids d’espions » dotés de systèmes de surveillance ultra-sophistiqués qui laissent planer le mystère sur leurs activités internes et alimentent les thèses complotistes les plus exubérantes. Ces complexes, abritant généralement des hôpitaux, restaurants, piscines, salles de sport et de loisirs, sont réservés aux centaines d’agents qui y vivent en autarcie. La nouvelle ambassade américaine au Sénégal est l’illustration patente d’une certaine démesure qui impressionne et fascine autant qu’elle inquiète et agace [15]. Cet imposant édifice, dont l’installation a coûté la somme faramineuse de 181 millions de dollars (soit autant voire plus que l’aide américaine annuelle accordée à des pays pauvres comme le Yémen), a été achevé en début 2013 et occupe une surface de quatre hectares. La superficie de son domaine n’est certes pas comparable à celle de l’ambassade américaine en Irak, dix fois supérieure et, de ce fait, plus grande ambassade du monde, mais l’ambassade US au Sénégal ne démériterait toutefois pas le titre de « Fortress America d’Afrique de l’Ouest ». Avec sa superficie de 4 hectares pour une surface construite de 2,2 hectares, elle se taille une place de choix parmi ses sœurs africaines de Monrovia (4,8 ha), Nairobi (3,7 ha), d’Addis Abeba (2 ha) et de Dar es-Salaam (1,16 ha). Alors qu’il était encore sénateur, le secrétaire d’État John Kerry – qui n’est résolument pas un fervent adepte de la bunker mentality – n’avait pas hésité à qualifier en 2009 « d’hideuses » les ambassades que l’Amérique était en train de construire dans le monde. Les Américains, réputés obsédés par leur sécurité (ce qui peut être compréhensible depuis les attentats de Nairobi et de Dar es-Salaam en 1998 et plus récemment de Benghazi, en Libye, en 2012), ne cherchent pas vraiment la discrétion et optent même pour un gigantisme qui peut paraître ostentatoire et superfétatoire. Une allure que Stephen Walt, célèbre professeur de relations internationales à Harvard, compare à celle de « châteaux médiévaux, symboles physiques d’un Empire puissant » dans un billet publié en 2010 sur son blog [16]. Il n’est certes pas toujours aisé d’allier sécurité maximale et architecture discrète, moderne et raffinée. L’ambassade US au Sénégal semble être l’exception qui confirme la règle, sans pour autant dissiper l’impression persistante d’une volonté américaine « de séparation avec les peuples » que déplore J. Kerry. Ces ambassades-forteresses font, selon Stephen Walt, apparaître une contradiction entre l’image que l’Amérique a d’elle-même, celle d’une « nation amicale, hospitalière, ouverte aux nouvelles idées » et ses intérêts et l’image qu’elle envoie aux peuples étrangers.
La méfiance et les barrières culturelles n’ont pas disparu. De leur côté, les Chinois essayent d’améliorer leur intégration et leur image dans les pays où leurs ingénieurs, entrepreneurs et commerçants sont amenés à résider durant de longues périodes. Ils diversifient leurs activités – qui ne se bornent plus à leurs immenses besoins en ressources énergétiques (bien que l’exploitation et l’importation restent intensives et prioritaires pour Beijing)-, en ouvrant, par exemple, des établissements culturels (les instituts Confucius) présents à l’heure actuelle dans une douzaine de pays africains. Les Chinois, peuple philosophe, patient, et non moins rusé, ayant enduré durant des siècles la domination et la semi-colonisation des puissances étrangères, ont largement rattrapé en Afrique leur retard sur les Américains et les Européens, pourtant établis depuis beaucoup plus longtemps qu’eux, par la mise à profit d’une psychologie et d’une dialectique de l’adaptation typiquement asiatiques dans ces contrées au passé colonial et postcolonial chargé. Et ce n’est sans doute que le début d’un partenariat qui n’a pas délivré tout son potentiel et peut encore surprendre, tant positivement que négativement.

Chady Hage-ali

Stratpolitix


[1] Ces chiffres ont été rappelés lors de l’allocution de l’ambassadeur de Chine au Sénégal Xia Huang, à l’occasion du 63ème anniversaire de la République Populaire de Chine (http://sn.china-embassy.org/fra/sgdt/t982233.htm)

[2] Voir les statistiques sur les échanges commerciaux entre l’Amérique et l’Afrique sur le site web de l’Office of the US Trade representatives. (http://www.ustr.gov/countries-regions/africa)

[3] Les critères d’éligibilité de l’Agoa sont : l’économie de marché; la primauté du droit et le pluralisme politique, l’élimination des obstacles au commerce et à l’investissement américain, la protection de la propriété intellectuelle, les efforts dans la lutte contre la corruption, les politiques visant à réduire la pauvreté, la disponibilité croissante de soins de santé et à l’éducation, la protection des droits de l’homme et les droits des travailleurs, et l’élimination du travail des enfants (source : site de l’Agoa : http://www.agoa.gov/AGOAEligibility/index.asp)

[4] Les règles du MCC sont elles-mêmes analogues, dans leur principe d’affectation sur la base du mérite et sur l’appréciation de leurs taux d’achèvement, à celles de l’initiative PPTE du FMI destinée à alléger la dette des pays pauvres sous certaines conditions et mesures qui concourent à la libéralisation des marchés (jugée désastreuse par de nombreux économistes du tiers-monde). Le Sénégal qui a déposé son dossier au MCC avant l’élection de Barack Obama, a vu sa demande acceptée en septembre 2009, et a ainsi pu bénéficier d’un montant de 270 milliards de francs CFA.

[5] Pour plus d’informations sur la politique alimentaire des États-Unis, exposée notamment par le président Obama lors du sommet du G8, voir le site web du US Government’s Global Hunger and Food security initiative : http://feedthefuture.gov/article/president-obama-speaks-food-security-g8-summit

[6]Le G8 et sa Nouvelle Alliance: une menace pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique ? [en ligne], Action contre la faim, 04/06/2013 (http://www.actioncontrelafaim.org/fr/content/le-g8-et-sa-nouvelle-alliance-une-menace-pour-la-securite-alimentaire-et-nutritionnelle-en-a)

[7]Le communiqué de la Maison blanche précise que « plus des deux tiers de la population de l’Afrique subsaharienne vivent sans électricité et plus de 85% des habitants des zones rurales n’y ont pas accès. Power Africa va s’appuyer sur l’énorme potentiel énergétique de Afrique, y compris les nouvelles découvertes de vastes réserves de pétrole et de gaz, et sur le potentiel de développement d’énergies propres, géothermique, hydroélectrique, éolienne et solaire » (http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2013/06/30/fact-sheet-power-africa)

[8] Abdoulaye Thiam, « Power Africa, plan pour l’accès en Afrique à l’électricité : Obama zappe le Sénégal » [en ligne], Sud Quotidien, 01/07/2013, : <http://www.sudonline.sn/obama-zappe-le-senegal_a_14492.html>

[9] William Easterly and Laura Freschi, « Why are we supporting Repression in Ethiopia ? », The New York Review of Books, 15 novembre 2010.

[10] voir le rapport 2013 d’Amnesty International sur l’état des droits de l’homme en Éthiopie : http://www.amnesty.org/en/region/ethiopia/report-2013

[11] The FY2014 State and Foreign operation budget request, 05/02/2013, Congressional Research Service (CRS) : <http://www.fas.org/sgp/crs/row/R43043.pdf>

[12] State and US Aid FY2012-2013, Congressional Research Service (CRS), 13 février 2012, : <http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2012/02/183808.htm#>

[13] « Les États-Unis excluent la construction d’une base militaire dans le Sahel », Agence de Presse sénégalaise (APS), 20 juin 2013 : <http://www.aps.sn/articles.php?id_article=114908 >

[14] Mark Tran, »US foreign aid ‘needs greater coherence’, report says », The Gardian,  29 juillet 2011, <http://www.theguardian.com/global-development/2011/jul/29/us-foreign-aid-coherence-oecd-report>

[15] Beaucoup de signes font penser, à tort ou à raison, aux Sénégalais que l’intérêt stratégique américain pour leur pays va croissant. Le fait d’abriter l’une des plus impressionnantes ambassades américaines d’Afrique flatte certes l’orgueil des Sénégalais qui voient cette structure comme un symbole de la longue amitié entre les deux pays, mais soulève aussi des interrogations quant aux ambitions américaines cachées dans le pays et dans la région. Construite sur la Pointe des Almadies, (point le plus occidental du continent africain), la localisation de cette ambassade faciliterait la surveillance du pourtour maritime et le transfert ou l’évacuation rapide de ses agents par la mer.

[16] Stephen M. Walt, « Fortress America? », Foreign Policy blog, 24 février 2010 : <http://walt.foreignpolicy.com/posts/2010/02/24/fortress_america>

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